« Dans un système à bout de souffle, comment peut-on sortir de cette torpeur et de cette impuissance politique ? », voici la question qui berce le film d’Antoine Zerroudi. Celui-ci souhaite nous montrer une réponse à cela, un point de bascule qui ferait s’effondrer le château de carte et serait un modèle qui regroupe la population : la démocratie.
Les premières images du film nous montrent une manifestation de la CGT. De la colère, de la révolte découle de ces plans, et pourtant ce ne sont pas ces sentiments qui habiteront le film, puisque Antoine Zerroudi semble privilégier l’axe politique de son film par un prisme plus interne – bien que le terme semble trivial – à en voir les différentes réunions filmées. Devant Points de bascule, le spectateur entre directement dans les greniers de la démocratie : il va plus loin que tout ce qui a été inculqué à l’école. En effet, la démocratie ne se limite pas à ce qui régit actuellement notre pays, à l’image que l’on nous apprend de ce mot. Et non, la démocratie peut prendre plusieurs formes. Et ce sont ces quelques autres formes, qui existent réellement et sont soutenues par des groupes de personnes, ou des villages que l’on pourra voir à l’écran. C’est le cas pour la démocratie participative soutenue par le village de Saillans, dont Antoine Zerroudi parle dans son film, un petit village de la Drôme bien connu pour son système démocratique par et pour le peuple.
La démocratie participative
À travers le film d’Antoine Zerroudi, un collectif partisan de la démocratie participative se forme et s’unit pour réfléchir à son fonctionnement collaboratif. Des discussions s’ouvrent au spectateur, il assiste à des convergences et des divergences qui font avancer ce collectif vers un point d’accord. Chaque détail est important pour chaque déclaration, chaque mot est source de réflexion pour atteindre une pleine compréhension.
Dans cette forme de démocratie, les citoyens prennent la parole, autant que le pouvoir malgré différentes barrières qu’impose celui-ci, qu’elles soient législatives ou politiques. Il y a donc une prise de responsabilité qui part du collectif social participant à cet élan démocratique ; qui mène à un état d’esprit, se rapprochant d’un certain souhait de révolution. Ériger une nouvelle démocratie participative revient alors, pour citer le film, à prendre une certaine « responsabilité » : celle de « chercher la part humaine en nous [et] lui donner sa légitimité sur Terre ». Saillans est le village qui permet d’illustrer pleinement cette forme de démocratie, et Antoine Zerroudi le prouve, il filme même un homme, lors d’une réunion qui dit « Saillans, ça, c’est de l’espoir ». En effet, c’est un village en marge totale du fonctionnement actuel de notre pays, en particulier, et des multi-milliardaires qui règnent sur notre société, même sur les médias. Le fait même que ce village existe, est une preuve d’espoir permettant aux militants de croire en leur cause et de continuer à l’exploiter et réfléchir à son fonctionnement.
Le système démocratique en place représente, en effet, un certain nombre de problèmes, particulièrement la présence du 49.3. Pourtant, ce texte juridique concerne les citoyens eux-mêmes, et, pour reprendre le slogan de Saillans, « la politique c’est l’habitant », il paraît alors de manière logique que le pouvoir et les décisions reviennent aux habitants.
La notion de vivre-ensemble se révèle être très importante dans un fonctionnement où chacun représente une part de pouvoir puisque chacun contribue alors, en groupe, à la construction d’un système précis et entièrement démocratique. Antoine Zerroudi parvient à faire émaner cette solidarité de son film, en filmant au plus près les citoyens et les représentants qui ne sont finalement, aussi, que des citoyens.
Le militantisme
Super Châtaigne est ce héros anti-libéral qui permet à l’élan démocratie pur et dur de prendre un aspect encore plus concret et de donner espoir, encore, à une certaine foi démocratique, grâce à sa popularité alimentée par les médias. Son aspect militant réside aussi dans le fait même de discuter avec les élus et parfois de les attaquer.
La lutte politique est un engagement moral qui, comme l’homme, mûrit dans l’esprit de ses penseurs et des militants ou activistes. C’est le cas pour Antoine Zerroudi qui dit au début du film, grâce au monologue narratif, « plus jeune, j’ai lutté contre plein de choses ». Le plus jeune se relève être assez important dans cette déclaration puisqu’il est possible d’y comprendre donc une certaine maturité prise, un changement dans sa position politique. Puis cela se confirme lorsqu’il dit que, par absence de changement, il a voulu devenir acteur de la société. Un changement de statut a alors opéré dans son esprit, et Points de bascule semble être une simple étape dans le parcours politique du réalisateur puisqu’il décide ici de présenter un système politique encore trop sous-estimé et trop peu médiatisé.
Bonjour à tous,
L’évolution d’Antoine se poursuit depuis son documentaire « Points de bascule », comme celle de nous tous, même lorsque l’on atteint un âge… très mûr.
Non, la démocratie participative qui eut cours à Saillans (élection perdue en 2020 après un mandat), qui se déroule actuellement à Vaours, à Poitiers… n’est pas le pouvoir « par » le peuple. Pas forcément non plus « pour » le peuple, si on en croit le vote majoritaire à Saillans en 2020. Si les habitants sont invités à participer aux différentes commissions définissant des projets et des actions, le conseil municipal garde le pouvoir de décision et donc le pouvoir « sur » (le peuple). Il peut donc établir une sélection dans les projets des commissions. Et ainsi refuser tel ou tel résultat d’un travail peut-être de bon intérêt collectif et de longue haleine fait par les membres d’une commission. Ce refus n’étant pas forcément motivé par un problème budgétaire. Quoiqu’il en soit cela finit par générer à mon avis logiquement une frustration et la diffusion d’un mécontentement en dehors du cercle des habitants participants. Le frustrant coïtus interruptus finit par lasser, si je peux me permettre cette métaphore.
Une précision donnée par John Holloway permet de clarifier les types de pouvoir et ce qu’est la démocratie.
Le pouvoir « de » équivaut à la capacité de dire, de faire, d’être, d’un individu, d »un groupe. C’est le pouvoir créateur : les commissions et leurs membres ont le pouvoir de définir des actions.
Le pouvoir « sur », c’est le pouvoir d’une autorité, décisionnel et à l’occasion répressif, exercé par un individu ou un groupe sur un ensemble d’individus la plupart du temps beaucoup plus nombreux : le conseil municipal décide ou pas de mettre en oeuvre des actions.
Avec ce pouvoir « sur », pas de « peuple souverain » et donc pas de démocratie.
Avec la démocratie participative, parfois vue comme un entre-deux nécessaire, demeure la supercherie ou la mythologie de la démocratie représentative qui n’est ni une démocratie, ni représentative sauf de la bourgeoisie et d’une bonne partie de la sous-bourgeoisie, C’est la représentation d’une minorité, ce qui finit par « se voir » par la majorité. La démocratie représentative est une non démocratie réelle mais qui habille de bonne conscience ceux-celles qui se substituent au peuple souverain. Par ailleurs, les faits montrent qu’il n’y a jamais passage à une étape suivante qui serait la démocratie directe, puisqu’il faut user de ce pléonasme.
… erreur dans la dernière phrase de mon commentaire : remplacer « représentative » par « participative », elle devient : La démocratie participative est une non démocratie réelle mais qui habille de bonne conscience ceux-celles qui se substituent au peuple souverain. Par ailleurs, les faits montrent qu’il n’y a jamais passage à une étape suivante qui serait la démocratie directe, puisqu’il faut user de ce pléonasme.