Ce manifeste n’est plus à jour. Il sera réécrit au cours des premiers mois de l’année 2024. Nous vous invitons à revenir sur cette page, une fois la modification faite. Le nouveau manifeste sera communiqué sur les médias sociaux du Mouvement.
Le Municipalisme Libertaire
La démocratie sous la Vème République Française
Profondément démocrate, notre mouvement entend la démocratie sous un aspect réel, et non pas sous le sens dévoyé qui lui a été récemment attribué. Notre perception nous indique que les Français sont chaque jour un peu plus déçus par l’exercice du pouvoir politique actuel. Les élections régionales, législatives et même présidentielles ne cessent de voir leur taux d’abstention augmenter au fil des années. Ce qui peut nous sembler simpliste à dire, « les politiciens sont tous les mêmes », est pourtant une formule qui trouve une certaine cohérence en sciences politiques. Toutes régies par les mêmes intérêts personnels, les politiques mises en œuvre ne changent que très rarement d’un candidat à l’autre, et ne satisfont que très peu de citoyens quand elles sont mises en place.
Pour remédier à cela, certains militants politiques ont trouvé bon l’initiative du « vote utile » – trahissant par cette formulation un lapsus cruel, celui de l’élection inutile. Cependant, cette stratégie n’est pas à blâmer complètement : il est sain de trouver des compromis avec différents alliés, afin de faire passer les candidats les plus convenables au pouvoir. Seulement, en atteignant ce pouvoir, le représentant élu endosse le rôle du mainteneur de l’ordre établi, du statu quo. De facto, il ne pourra changer la donne conséquemment.
Pour contrer l’abstention, le pouvoir établi du gouvernement français a trouvé la subtile et vicieuse astuce de laisser un candidat à diaboliser accéder au second tour : nous connaissons ce candidat sous la forme de la famille de droite radicale Le Pen, mais cela pourrait tout autant être un candidat d’une gauche radicale comme Jean-Luc Mélenchon. Pourquoi donc laisser de tels « extrêmes » arriver à l’étape finale des présidentielles ? Tout simplement parce que ce sont des faire-valoir. À défaut de légitimer son système de vote par la positive, le gouvernement le légitime par la négative : nous ne votons plus pour, nous votons contre. Nous ne votons plus pour le meilleur, mais pour le moins pire. Nous ne blâmerons ici ni les votants ni les abstentionnistes : tout simplement parce que nous ne pensons pas que les présidentielles soient un jeu auquel les Français puissent un jour gagner, et qu’il ne serait pas constructif de jeter la pierre à l’un ou l’autre.
C’est pourquoi face à l’échec cuisant de cette démocratie qui n’en a que le nom, nous souhaitons donner réellement le pouvoir (kratos) au peuple (deimos). Afin de pallier au problème du nombre, cette démocratie ne sera pas mise en place au niveau national, mais local : qui de mieux pour réformer leur quotidien que les personnes qui le vivent, plutôt que des oligarques déconnectés de telles routines ?
La décentralisation
Notre second constat et fondement est celui d’une demande collective de la population française de décentralisation du territoire. Aujourd’hui centralisée dans les grandes métropoles, notamment notre capitale Paris, l’activité humaine ne cesse de révéler ses limites au jour le jour lorsqu’elle évolue dans de telles conditions : urbanisation du paysage, destruction de la biodiversité et de l’écosystème, augmentation du prix de l’immobilier intramuros des villes attractives, mobilités pendulaires toujours plus longues, pollution urbaine, ghettoïsation d’une partie de la population dans des HLM, et bien plus encore.
C’est face à ce gigantisme que nous tirons une première sonnette d’alarme : le besoin radical de désengorger les villes, mais également de recentrer les activités sociales, qu’elles soient de l’ordre du personnel, du professionnel, du loisir, du service public, du communautaire ou du commercial, dans les communes de France de tout acabit, de toutes tailles.
De cette façon, comme le penseur américain Murray Bookchin, nous vantons la réforme du pouvoir sous ses différents aspects, afin de l’adapter au niveau communal. L’idée n’est ici pas de réfléchir en termes de communes isolées : notre pays est déjà fracturé par tant de sujets de société, à quoi bon le fragiliser toujours plus ? Non, notre volonté est bien celle d’un fédéralisme de communes, un réseau organisé qui permettrait une coordination des actions à l’état national, par des directives proposées et décidées au niveau le plus local possible.
Ainsi, la population française pourra participer directement à la vie politique comme bon lui semble, sans que ce rôle ne soit délégué à une profession, souvent corrompue, ou sans que la politique ne soit rendue inaccessible en ne ciblant que des enjeux qui dépassent le quotidien de l’individu.
La démocratie municipaliste
Nous pourrions ainsi nous appliquer l’idée présentée par Murray Bookchin, la remanier, la remodeler, pour la faire coller au modèle français. Ci-dessous, un premier schéma de fédéralisme moderne :
- La commune, soit un village ou bien une rue urbaine de plusieurs foyers
- Le voisinage, soit plusieurs communes
- Le canton, soit plusieurs voisinages
- Le département, soit plusieurs cantons
- La région, soit plusieurs départements
- La France, soit l’ensemble des régions
Les citoyens prendraient ainsi des décisions à l’échelle adaptée : si l’idée est de résoudre un problème entre voisins, par exemple des nuisances sonores, cela peut se régler dès l’échelle communale.
Si l’idée est de résoudre un problème de grande rue endommagée, il serait plus judicieux d’agir à l’échelle du voisinage, étant donné que les travaux de rénovation impacteront la commune, mais possiblement les communes alentour (en créant par exemple une déviation routière). Le principe étant de faire au plus local possible, sans annexer les localités voisines.
Nous pourrions mettre en place un système de commissions. Cela consisterait par le fait de réaliser des billets à l’intention de l’échelle adaptée : par exemple, la construction d’une nouvelle autoroute régionale devra être sollicitée par une commission adressée à la Région, qui aurait été examinée par la commune, le voisinage, le canton et le département au préalable.
Ainsi, les citoyens auraient leur mot à dire concernant différents sujets : défense, économie, société libre, justice, politique, société civile, idéologie, écologie, conseil féminin, conseil masculin, énergie, alimentation, agriculture, industrie, bien-être animal… Tout ajout pertinent est le bienvenu !
Certains sujets évidemment érudits laisseront le dernier mot à des conseils de scientifiques et d’experts, bien plus habilités sur des questions exigeant une rigueur singulière. Seulement, un conseil populaire les suivra dans ces processus, afin d’éviter de tomber dans une gouvernance technocratique, qui privilégierait la science au détriment des humains. Ce serait également le même fonctionnement pour le conseil militaire français, qui serait aussi épaulé par un conseil populaire.
Ces conseils populaires seraient tirés au sort parmi des bases de données similaires à celles utilisées par les sociologues et les instituts de sondage : des personnes de tous cantons, de toutes professions, de tous âges, de tous genres, et autres caractéristiques sociétales. Le tirage au sort permettrait ainsi d’éviter tout problème de corruption ou de formation consciente et volontaire d’une élite dirigeante. Évidemment, un recueil de ressources variées sera mis à disposition pour les tirés au sort, afin que ceux-ci sachent un minimum quels sont les enjeux du conseil auquel ils se rendent.
La même pratique du tirage au sort représentatif pourrait être effectuée pour désigner les juges des tribunaux, mais aussi les policiers municipaux. Ces tirages au sort seraient des mandats impératifs courts, de la même façon que les Athéniens ont pu le faire il y a plusieurs centaines d’années. Ainsi, la personne choisie serait obligée d’effectuer le mandat sur une courte période, ce dernier caractère étant crucial pour ne pas forcer l’individu à effectuer une tâche potentiellement non désirée trop longtemps.
Bien évidemment, toutes ces pistes ne sont pas les seules à explorer, et nous restons autant alertes qu’ouverts à de nouvelles propositions de la part de nos adhérents et partenaires. L’idée est ici de repenser des institutions à vocation émancipatrice, et non des institutions faites pour maintenir l’ordre établi, que celui-ci soit efficace ou non.
L’écologie sociale
Problématique contemporaine, mise à raison sur un piédestal, l’écologie n’est que rarement abordée sous un angle social. Comme nous avons pu l’observer à l’occasion du mouvement initial des Gilets Jaunes, avec la hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), l’écologie se manifeste souvent comme une sanction. Non pas une sanction envers les grandes entreprises, alors que 25 multinationales et entreprises publiques sont responsables de 71% des émissions de CO2 depuis 1988, mais bien envers les classes populaires ; celles-ci souffrent d’une double injonction.
Premièrement, elles ne peuvent accéder par leurs moyens économiques à des biens et services moins polluants : par exemple, les voitures électriques sont à l’heure actuelle encore hors de prix pour beaucoup d’individus, et les distances entre les lieux de travail et les domiciles sont encore trop conséquentes pour certains, les empêchant de se diriger vers des solutions comme les transports en commun. Heureusement, certains gestes écologiques vont dans le sens des populations les plus défavorisées : économie d’énergie, recyclage et réemploi de divers produits, circuits courts et retour à la production locale…
Deuxièmement, les classes populaires et moyennes n’ont aucun pouvoir décisionnel sur l’écologie. Comme explicité plus haut, les multinationales et entreprises publiques étant à l’origine de l’écrasante majorité de la pollution mondiale restent à ce jour impunies. Les accords implicites et explicites qui régissent les relations entre gouvernants et entreprises empêchent toute réforme de la productivité, sous prétexte que dépolluer les processus nuirait à la rentabilité entrepreneuriale. C’est là le triste constat que nous dressons, en tant que membres des classes sociales impuissantes : notre sort en est remis à un jeu puéril de rentabilité, que cela soit au sujet de l’écologie ou de tout autre thème de société. Combien de « crises » économiques, écologiques, sociales et politiques allons-nous vivre sans que nous ayons notre mot à dire ?
Face à cet enjeu sans précédent, nous préconisons l’avènement d’une nouvelle méthode : l’écologie sociale. Jusque-là, les innovateurs de tous acabits nous ont vendu deux solutions principales face au changement climatique :
- Un « capitalisme vert », conservant ainsi croissance, technologie et système économique actuel. À ces personnes, nous reprochons une passivité sans précédent. Voilà depuis 1994 que la première COP a reconnu l’existence des changements climatiques, et la responsabilité de l’activité humaine polluante. Depuis, les émissions de CO2 et gaz à effet de serre n’ont pas cessé d’augmenter. Des concepts bienveillants et remplis d’espoir ont fait leur apparition, comme le développement durable : celui-ci repose sur trois piliers, économie, écologie et social. De toute évidence, c’est bien le pilier économique qui semble primer sur les deux autres, la rentabilité des entreprises n’étant jamais – au grand jamais – sacrifiée, en témoignent les conditions de travail déplorables des employés africains et asiatiques « embauchés » par les plus grandes multinationales, mais aussi les résultats écologiques actuels sur l’ensemble du globe.
- La décroissance, la réduction de la technologie, le retour à l’agriculture manuelle – voire même à l’agrarisme, c’est-à-dire une société majoritairement agricole, où le secteur primaire prévaut sur les autres domaines professionnels. Ces gens prônent également l’autarcie, l’autogestion et la permaculture, dans un certain élan survivaliste et minimaliste. À ces personnes, nous rétorquons que la vision pessimiste et fragmentée qu’ils ont de la société ne nous est pas vivable. Bien que nous entendions le message à propos des circuits courts et des dépendances dangereuses au commerce extérieur, force est de constater que tous ces projets déconnectés de la société ne sont pas viables à une échelle autre que supra-locale. Dès lors que les États-nations voisins continuent d’exister, cette idée n’est que peu envisageable.
Nous ne choisissons aucune de ces positions polarisées ; nous aspirons à l’écologie sociale, une méthode autrement plus efficace. Loin des visions environnementalistes, qui voient la nature comme un silo dans lequel piocher occasionnellement ou régulièrement, l’écologie sociale imagine plutôt une cohabitation saine entre humanité et nature. En tant qu’animaux sociaux, les humains doivent s’adapter pour coexister avec leurs semblables, s’adapter à la biodiversité et à l’environnement qui les entourent. À l’image de fourmilières, de ruches ou encore de termitières, nos communes doivent entretenir un lien sain avec ce qui s’organise autour d’eux. Leur place doit être tant naturelle qu’artificielle ; nous ne remettons pas en cause l’existence d’une fourmilière, étant donné qu’il va de soi que les fourmis se développent dans ces tunnels. Pour autant, nous sommes les premiers contrariés lorsque ces constructions prennent des proportions gigantesques et qu’elles envahissent les sols urbains. C’est avec la même réflexion que nous devons penser notre modèle de société écologiste : toujours moderne et humaine, possédant outils, véhicules et technologie, mais sachant se remettre en question perpétuellement afin que sa place n’empiète pas sur les écosystèmes voisins.
Cependant, nous ne pourrons mettre en place cette doctrine écologiste qu’une fois un système économique compatible avec une telle aspiration soit instauré. Force est de constater que « la production pour la production », voire même en Occident « la consommation pour la consommation », est un concept qui régit la méthode d’action du capitalisme. Comment pouvons-nous donc nous extirper d’un tel processus ?
L’économie morale
Le capitalisme se définit comme étant un mode de production économique au sein duquel les moyens de production sont détenus par des propriétaires, qui ne sont pas nécessairement ceux qui mettent en œuvre ces moyens de production. Cette définition, bien que rigoureuse, n’est pas forcément équivoque. Prenons alors comme exemple le patronat dans un schéma volontairement simple et caricatural : le patron possède l’usine, il est le détenteur légal des outils et des machines qui s’y trouvent, mais ce sont les employés qui les utilisent quotidiennement. Ici, le cadre est local et minime, mais il faut bien saisir que cette façon de faire s’applique à différentes échelles.
À l’échelle mondiale par exemple, nous pouvons constater que seules les multinationales et les entreprises publiques ont un impact réel sur la production, la pollution, la consommation, les tendances, etc. Chacun peut se convaincre hebdomadairement que chaque petit geste compte, que chacun est capable de changer les choses à sa façon, mais nous ne pouvons acquiescer entièrement. Nous tenons évidemment à saluer toute action éthique : recyclage, récolte des déchets, achat de vêtements de seconde main, usage de produits locaux et issus de circuits courts, etc. De toute évidence, ces petits gestes sont louables et à encourager, mais cruellement insignifiants à l’échelle planétaire – malgré nous.
C’est bien cela le problème ; l’individu du quotidien a une volonté profondément éthique. C’est ce que nous avons pu sonder au travers des différents spectres politiques : à droite, l’envie de voir le local jusqu’au national entretenu, sans succomber à la délocalisation et à l’import effréné. À gauche, l’envie d’accéder à des contenus écologistes et socialement éthiques. Pourtant, ni les individus de gauche, ni ceux de droite n’ont le pouvoir décisionnel pour améliorer les choses dans ce sens à grande échelle.
Et pour remédier à cela, nous devons agir de deux manières :
- Organiser des économies alternatives du mieux que nous le pouvons à travers les différents territoires mondiaux. Plus ces organisations parallèles se développeront en nombre, moins il sera facile pour les capitalistes, inquiétés d’être contestés, de les sanctionner économiquement. Les éco-lieux et autres hameaux fleurissent progressivement en tant que havres d’échanges mutuels, de permaculture et d’autosuffisance, mais ne sont pas des projets viables pour une société tout entière. Le matériel avec lequel ils subsistent est produit de façon capitaliste, extramuros de leurs idylles. Il en va de même pour les nouvelles fermes autogérées et non rentables qui germent chaque jour. Car c’est bien de cela dont il est question : nous devons nous extraire du devoir de rentabilité, pour voir se positionner un devoir d’efficacité. Un agriculteur ne devrait pas avoir à se soucier d’être rentable, mais bien de produire des céréales de qualité.
- Destituer les propriétaires sera une étape obligatoire ; non pas parce que nous les écarterons de notre mode de production, au contraire, nous les invitons vivement à s’intégrer à notre modèle horizontal. Seulement, nous nous attendons plutôt à des répressions institutionnelles et économiques, que cela soit par les agents entrepreneuriaux ou bien par les entités étatiques. De tout temps, la bourgeoisie capitaliste a toujours fermement sanctionné les alternatives viables, punissant dans le sang, dans l’incarcération, dans le silence médiatique et dans la précarité ses opposants. Ce sont des menaces auxquelles nous nous attendons à être confrontés, et nous ne tremblons pas à cette idée ; plus nombreux nous serons dans cette entreprise, plus les autorités capitalistes hésiteront à nous faire face, elles perdraient ses consommateurs les plus – jusque-là – fidèles.
Mais que proposer face au capitalisme ? Si nous devions admettre une chose, c’est bien que le capitalisme est rudement bien organisé, c’est une machine aux engrenages fermement solidaires. Nous ne pouvons pas jouer avec ses règles ; dès lors, il faut s’en extirper.
Et pour cela, nous devons innover. Le municipalisme peut régler le problème de l’entrepreneuriat de la même manière qu’il règle les commissions précédemment évoquées : ainsi, un boulanger pourrait créer un dossier, avec l’aide des cadres de la commune, où il présenterait son projet de boulangerie. L’assemblée populaire de la commune confirmerait le projet ou non en fonction de :
- Son utilité – imaginons que cette boulangerie soit souhaitée dans une rue où se situent déjà d’autres boulangeries, la mise en pratique ne serait pas très efficace. À ce moment-là, la commune pourrait proposer une autre rue plus stratégique, ou bien ferait passer l’annonce d’un tel projet à d’autres communes, qui seraient plus susceptibles d’avoir un tel besoin.
- Sa viabilité – il faut évidemment tenir compte, dans la logique de l’écologie sociale, des conséquences écologiques et socio-économiques de la mise en place de la chose. Les ressources nécessaires, la longévité de l’activité et l’impact sur le vivant doivent être inspectés rigoureusement. Si le commerce venait à déséquilibrer le marché local et à provoquer une faillite chez les acteurs avoisinants, il faudrait reconsidérer le projet. En cas d’avancées hors normes, technologiques ou méthodiques, un échelon adapté du fédéralisme sera sollicité pour organiser correctement ce changement, afin que les agents concernés ne subissent pas d’externalités trop brutales.
Si le projet est accepté par la commune (ou toute autre échelle adaptée, si le projet est par exemple régional), celle-ci pourra lui conférer un crédit gratuit, soit la capacité de faire un emprunt sans remboursement nécessaire, afin de mettre en œuvre son idée correctement.
D’autres idées économiques sont évidemment à étayer, notre système économique tel que présenté aujourd’hui ne serait pas parfait, il faudrait encore l’améliorer, et c’est bien ce que nous comptons faire. Les chercheurs Bernard Friot et Frédéric Lordon ont récemment partagé des concepts comme le salaire à vie et le revenu de base, qui méritent toute notre attention. L’anticapitalisme doit vivre de toutes les formes possibles, nous ne demandons qu’à le voir germer de façon spontanée comme réfléchie. Nous le nommerons par la formule la plus souhaitable : l’économie morale.
Le Mouvement Municipal
Dans cette partie, nous aborderons les actions mises en place par le Mouvement : son plan d’action, ses méthodes, ses objectifs. Les processus pourront être modifiés par la suite – mais de toute évidence, ils devront toujours atteindre ces mêmes buts, à la nécessité manifeste.
La culture municipaliste
La culture est en crise ! Tel est le constat amer que dressent de nombreux théoriciens de notre âge moderne. La fracture entre les espaces et les temps s’est opérée ; et pourtant c’est bien la culture qui relie les âges de l’humanité. D’une part, la droite conservatrice, dans sa nostalgie naturelle, cherche à maintenir une culture nationale face à l’arrivée de cultures venues d’ailleurs. De l’autre, la gauche, dans son culte incessant du progrès, noie toute culture dans une soupe plate et insipide pleine de relativisme.
La mondialisation, guidée par la pensée mercantile et consumériste du capitalisme ne peut pas jouer l’innocente, nous déracinant tous. La culture n’est plus l’émanation de la vie humaine, elle est devenue mode et par cela rapport de puissance spectaculaire. Théâtre des tractations géopolitiques internationales et médiocrité aliénante de l’homogénéisation y font la paire, maintenant les individus dans une inertie que les cultures contestataires sont incapables de contrer (du fait de leur nature propre, n’étant pas révolutionnaires). L’arrivée d’Internet, si elle semble être une porte de sortie de ce processus en permettant l’autonomie des scènes culturelles et leur rencontre, permit également l’essor exponentiel de cette « fast culture ».
Face à ce triste portrait que nous dressons, nous ne souhaitons qu’une chose : que les cultures vivent et fassent vivre. Nous ne voulons pas de celles de la consommation, de l’obsolète et du jetable. Les canaux culturels sont le terreau fédératif de nos sociétés, lieux de politisation, de conscience collective et de joie partagée. Nous voulons d’une culture sociale valorisante et signifiante pour tous, riche de sa diversité d’identités permettant la constitution d’un contrat fort entre les individus au sein de la société. Nous ne voulons pas d’une culture rituelle ou propagandiste, mais émanant de l’émulation constante de nos civilisations et de leur passé, qui aurait l’honnêteté et la prétention de divertir en étant plus qu’un divertissement.
Pour cela, il faut la réimplanter territorialement par l’apparition de lieux culturels vivants, permettant à tous de la pratiquer et d’en jouir. Des médiathèques, des lieux de spectacle communaux, des cafés associatifs, des cinémas ou des festivals seront les meilleurs espaces à se réapproprier et à construire pour garantir un accès démocratique, (au-delà des déterminismes) à une vie culturelle de qualité. Praxis du quotidien, la culture municipaliste se manifesterait par exemple une pratique des langues locales, un éloignement des médias de masse et de l’oligarchie spéculative qui guide beaucoup trop notre environnement actuel et en provoque le dévalement. Intellectuelle sans être élitiste, se voulant émancipatrice de tous, le Mouvement Municipal travaillera à rendre cette culture accessible, pédagogue et démocratique.
La fédéralisation
Par souci de cohésion et de reconstruction de la conscience locale, régionale et prolétaire, le Mouvement sera chargé de faire le pont entre des associations, des partis politiques, des syndicats, des médias, des sociétés, des coopératives et des entreprises de tous bords. Les crises sociales, économiques, énergétiques et écologiques se multipliant chaque jour un peu plus, l’heure n’est plus à la scission à chaque petit différend idéologique ou méthodique.
Le Mouvement entend donc fédérer différentes organisations aux intérêts plus ou moins convergents. Les désaccords que celles-ci pourraient avoir avec les principes fondateurs du Mouvement seraient étonnamment les bienvenus : la démocratie fonctionne sur la base de problèmes et questions à régler entre les individus, uniformiser notre union ne servirait à rien. Nous ne voulons pas d’une fédération lisse et parfaitement d’accord sur tous les points. Nous voulons matière à échanger, à nous souder dans la différence pour la surmonter, et ainsi montrer le chemin à suivre pour les Français, constamment scindés par le débat public.
Intégrer la fédération n’est pas à percevoir comme un processus de vassalité pour l’organisation : le Mouvement ne compte pas se positionner en supérieur hiérarchique, seulement en rassembleur de causes diverses et variées, réclamées à droite comme à gauche : écologie sociale, économie morale, décentralisation du territoire et démocratie municipaliste. Les groupements qui souhaitent rejoindre la fédération n’auront qu’un devoir à respecter, celui de collaborer avec le Mouvement Municipal en participant au mieux à ses assemblées populaires, en échange d’une promotion de leurs contenus et d’un soutien tout particulier.
La dépolitisation et l’abstention
La dépolitisation est un phénomène moderne qui ne manque pas d’être critiqué par les partis de toutes sortes. Ceux-ci vocifèrent en permanence le désintérêt porté à la politique, les accusant de ne trouver aucun parti pour lequel voter, ne serait-ce même pour lequel s’intéresser. Évidemment, ces remarques ne tiennent que dans l’espoir que ces dépolitisés adhèrent au parti qui s’adresse à eux. Dès lors que ces gens se politisent autrement, ils sont vus en parias ou ridiculisés : il leur est reproché d’être des idéalistes, des utopistes et des extrémistes. En bref, s’il fallait créer un manuel du petit citoyen consensuel, il faudrait adhérer à un parti de centre gauche-droite, voter à chaque élection, ne jamais se plaindre, ne pas vouloir changer de système politique autre que républicain, et ne pas vouloir d’un meilleur système économique.
Ce sont vers ces personnes que nous devons nous tourner en premier. En refusant le champ politique proposé par l’État, ces gens se retrouvent sans solution politique pour régler les problèmes qu’ils rencontrent au quotidien. En leur proposant le modèle municipaliste, nous pouvons leur redonner goût à la politique, en contournant justement le slogan habituel du « tous les politiciens sont des pourris/corrompus« . En fonctionnant en démocratie directe, il ne peut y avoir de représentants importants – toute la politique représentative, source de corruption et de critiques vives, sera donc mise hors-jeu, et laissera donc place à une vie politique qui peut être pratiquée par tous. Mais ne mettons pas le dos du monde sur les épaules de ces dépolitisés : l’assemblée municipale s’occupera de régler les problèmes du quotidien, de la municipalité et de ses voisines, le dépolitisé doit bien comprendre qu’il n’aura pas l’énorme responsabilité de la gestion d’une centrale nucléaire, par exemple.
Nous devons également nous diriger vers les abstentionnistes de conviction, afin de leur proposer le modèle alternatif municipaliste, qui les satisfera davantage que n’importe quelle proposition électorale de la République actuelle.
Les élections
La section précédente portait sur les dépolitisés et abstentionnistes, mais qu’en est-il des élections pour le Mouvement Municipal ? Notre position est assez complexe. Nous ne croyons pas aux élections, comme explicité plus tôt. Cependant, il serait envisageable d’y participer, étant donné l’apport médiatique sans précédent qui pourrait être apporté par son biais. Des millions de citoyens seraient avertis de l’existence du municipalisme, ce serait une occasion inespérée – mais afin de ne pas être corrompu par le pouvoir, nous devrions nous garder de gagner, bien que cela ne soit déjà que peu probable.
Seules les élections municipales seraient à envisager comme gagnables : il faudrait pour cela y avoir au préalable une population très sensibilisée au municipalisme, dans une commune rurale plus ou moins grande en fonction de l’ambition du maire municipaliste.
- Une fois les élections gagnées et une fois entré en fonction, ce maire devrait automatiquement (en s’y étant engagé au préalable) transférer son pouvoir à une assemblée populaire, que celle-ci soit légale ou extralégale – au sens qu’elle ne soit pas officialisée comme étant le fonctionnement politique officiel de la municipalité, mais que dans la pratique ce soit le cas, et qu’ainsi le maire ne lui serve que de porte-parole ou de garant légal aux yeux de la loi. Évidemment, il faut s’attendre à des répressions étatiques et politiques vis-à-vis de cette mise en place de l’assemblée, c’est pourquoi il ne faut pas attendre de remporter la course à la mairie pour en organiser.
Les assemblées municipalistes
Enfin, notre dernier champ d’action est celui de la méthode politique vantée depuis le début de ce Manifeste : l’assemblée populaire. Bien que l’histoire de la démocratie ait démontré que les communes et lieux de travail puissent spontanément donner lieu à de telles réunions, il nous faut créer un cadre pour favoriser un tel avènement. Nous ne devons pas espérer d’assemblée providentielle qui émerge ex nihilo, celle-ci ne viendra pas par elle-même.
Pour cela, nous devons former des animateurs municipaux. Leurs différentes tâches consisteront en :
- Aller au contact des individus des communes pour se renseigner sur les problèmes rencontrés au quotidien. Ainsi, un ordre du jour pour une première assemblée pourra être déterminé. La situation devra être décelée en amont sans que les citoyens discutent trop entre eux du problème : l’idée est que l’assemblée soit le cadre institutionnel pour permettre des échanges courtois et efficaces, avec des prises de décisions en finalité et permettre à chaque citoyen d’être acteur politique.
- Se positionner bénévolement en animateur municipal auprès de l’assemblée, endossant ainsi un rôle d’arbitre et de garant de la constitution ou d’une autre charte. À terme, ce rôle serait remplacé par un processus plus démocratique dans une société municipaliste entière, afin d’éviter un cadre hiérarchique propre aux partis politiques.
- Finaliser l’assemblée via un compte-rendu de son déroulé entier. Celui-ci sera relu par l’assemblée à la prochaine réunion ou avant toute manœuvre administrative, afin de s’assurer qu’aucun propos n’a été détourné ou omis dans la rédaction.
Comme explicité plus haut, une charte de fonctionnement des assemblées sera à rédiger afin d’établir des garde-fous et autres éléments nécessaires au bon déroulement de celle-ci. Bien que la majorité de cette nomenclature soit universelle sur le territoire fédéralisé, il est envisageable qu’une partie de la méthodologie puisse être améliorée ou modifiée au bon vouloir des communes, une à une.