Portrait de Janet BIEHL

Le système judiciaire au Rojava, Janet BIEHL – Fiche de lecture

Biehl, J. (2016, juin 19). Le système judiciaire au Rojava (J.-J. Gandini, Trad.). Réfractions. https://www.refractions.plusloin.org/spip.php?article1188

« À la fin de la Première Guerre Mondiale, les vainqueurs démembrement le vieil Empire Ottoman et reconfigurèrent le Proche-Orient avec les États artificiels que nous connaissons aujourd’hui. Le peuple kurde fut assigné à vivre en minorité en Turquie, Syrie, Irak et Iran. »

Janet BIEHL

Le schéma traditionnel de la communauté kurde

La communauté kurde fonctionnait selon un schéma simple : les anciens, vu plutôt comme des sages, étaient chargés de régler les litiges de la communauté. Les kurdes se délaissaient des institutions étatiques opprimantes, et se voyaient une nouvelle fois discriminés dans les tribunaux ottomans, où ils étaient jugés par des Turcs, en langue turque, même si le conflit ne concernait que deux Kurdes.

La communauté minoritaire préférait privilégier les institutions locales, civiques, avec des « concitoyens élus chaque année », de sorte à prouver une certaine autonomie. En 2005, les Kurdes développèrent leur propre système judiciaire.

Le Kurdistan-Nord (en Turquie) annonce la création d’un nouveau système judiciaire autogéré, qui refuse catégoriquement de « choisir entre éthique et loi ».

Des comités de paix sont créés avec des militantes féministes, des religieux, des activistes politiques, et d’autres personnes respectées. Nous dépassons ici le cadre judiciaire habituel, car il n’y a pas seulement des juristes. Ce sont des personnes proches du peuple.
Le dialogue, la négociation et l’entretien sont les trois sources utilisées pour gérer les litiges. La prison et les amendes sont remplacées par un isolement social.

Les comités de paix ont dû faire face à un adversaire redoutable : les homicides. Les auteurs d’homicides se voyaient attribuer d’une amende élevée, en plus d’une liberté surveillée, ainsi que l’obligation de suivre des séances avec un psychologue. On laisse alors un espoir aux criminels de se réinsérer, de changer de vie.

Le conseil du peuple du Kurdistan-Ouest et l’après révolution

Nous parvenons à discerner quatre niveaux d’institutions démocratiques :

  • Commune (quartiers résidentiels)
  • Voisinage (communauté du village)
  • District (villages environnants)
  • Canton (MGRK)

Les décisions se prennent de la plus petite échelle à la plus grande.

Après la révolution du Rojava en juillet 2012, les comités de paix ont pour objectif de maintenir une certaine paix sociale à l’échelle de deux niveaux d’institutions : la commune et le voisinage.

Un comité de paix peut être vu comme un voisinage qui s’autogère en petit comité. Chaque membre est élu par la commune, ils sont au nombre de 5 à 9 personnes. Ce ne sont pas des « magistrats traditionnels » mais ils ont tout de même de l’expérience sur la question de résolution des litiges.

Le but de cette justice est d’amener l’auteur du crime à réfléchir avant d’être réintégré dans le collectif social.

Les affaires de violence patriarcale, de mariage forcé, de polygamie, et tout ce qui touche en général les femmes, sont gérés, non pas par le comité de paix, mais par un comité uniquement composé de femmes. Un homme coupable de ces actes est condamné à de la prison ou à des TIG (Travaux d’Intérêt Général).

Les meurtres, eux, sont renvoyés vers une institution plus haute que les comités de paix : les tribunaux populaires. Ils sont constitués de sept personnes, « reconnues comme juges », mais ne doivent pas forcément avoir de certification ou de diplôme en lien avec le poste.

La proclamation de l’autonomie démocratique

Après la révolution (encore une fois), le Rojava est de nouveau touché par la kurdophobie turque, cette fois-ci avec un embargo économique en plus de la menace djihadiste présente au Sud.

Les Kurdes tentent alors d’être reconnus par les puissances étrangères extérieures pour « surmonter leur isolement ». Aucune n’accepte. Le Rojava décide alors de déradicaliser son système en adoptant un « dispositif gouvernemental plus conventionnel ».

« Et chaque canton annonça l’établissement d’une Administration Autonome Démocratique (DAA) composée d’un Conseil Législatif et d’un Conseil Exécutif, plus des ministères, comprenant un ministère de la Justice. »

Janet BIEHL

Le pays adopte le Contrat social, qui sert de cadre légal pour toute la société, réprouvant ainsi « l’autoritarisme, le militarisme, le centralisme, et l’intervention des autorités religieuses dans les affaires publiques ».

Ce Contrat social permet aussi de soutenir la liberté religieuse et de définir une confédération de Kurdes, Arabes, Syriaques, Araméens et Tchétchènes : ne se concentrant pas uniquement sur le peuple kurde.

Le Contrat social garantit l’égalité devant la loi de tous les individus et communautés (article 6), et des hommes et des femmes pareillement (article 26). En outre « toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit à l’égalité des chances dans la vie publique et professionnelle » (article 38).

Janet BIEHL reprenant des articles du Contrat social

Le Contrat social crée un Conseil de justice. Composé de 23 personnes, il examine chacune des lois syriennes, et si l’une contredit la charte constitutionnelle, elle se voit immédiatement réécrite. Si la réécriture est impossible, la loi se verra supprimée ou remplacée.

Enfin, la Cour Suprême Constitutionnelle vérifie la constitutionnalité de la nouvelle législation et des décisions.

La sécurité au Rojava

La sécurité est prise en main par les Asayis, qui défendent la société. Ils interviennent dans des conflits de violence ou ce qui concerne le trafic de drogue. Les Asayis Jin, unités féminines, interviennent dans des affaires patriarcales ou familiales.

Chaque mois, les troupes se réunissent pour suivre un fonctionnement démocratique et élire un ou des nouveaux commandants.

Le salaire est minime (25 dollars/mois) et les personnes ont alors, en général, un second emploi. L’autocritique est une capacité importante dans ces rangs puisque si un Asayi fait preuve d’un comportement agressif, il doit se soumettre à un protocole nommé Plateforme. Il en va de même pour les commandants qui se présentent régulièrement devant leurs troupes afin d’effectuer et de recevoir des autocritiques.

Une justice réhabilitatrice et une plateforme de justice

« Mais dans l’ensemble le dispositif judiciaire est orienté non pas du côté du châtiment mais du côté de « la réforme, de l’éducation et de la réinsertion sociale des prisonniers. » »

Article 25

La justice joue un rôle de psychologue : elle va examiner le prévenu, comprendre ses actes et tenter de changer l’état d’esprit de l’individu.

Face aux critiques qui vont à l’encontre des comités de paix – selon lesquels, à l’intérieur de ces derniers, trop peu de personnes (volontaires) prenaient des décisions – le Rojava décide de créer des Plateformes de justice où « jusqu’à 300 personnes membres des communautés et des conseils, des organisations de la société civile et des mouvements sociaux » se rassemblent pour écarter les prévenus et prendre une décision.

Le Rojava persiste à être reconnu comme un véritable État indépendant et nous devons faire en sorte qu’il le devienne : méritant après tous les efforts effectués (et dont nous n’avons vu qu’un rapide raccourci ici).

Recherches en bibliothèque

L’évolution du chantier de la bibliothèque numérique

Depuis ces débuts, nous nous sommes engagé au sein du Mouvement Municipal dans un projet d’envergure : la création d’une bibliothèque numérique. Cette initiative, ambitieuse et porteuse de sens, vise à mettre à disposition une mine de connaissances et de ressources pour l’ensemble des citoyens. Cependant, malgré les avancées significatives, il est important de souligner que ce projet nécessite du temps et des ressources considérables avant de voir le jour.

La construction d’une bibliothèque numérique digne de ce nom demande un travail minutieux et rigoureux. De la sélection des ouvrages à leur numérisation en passant par leur classification, chaque étape requiert une attention particulière. De plus, cela implique des moyens financiers et une implication de personnes conséquentes que le Mouvement Municipal ne dispose pas encore totalement pour ce projet.

En attendant la concrétisation de cette bibliothèque, nous avons décidé de prendre des mesures provisoires pour continuer à mettre à disposition des ressources militantes de qualité en accord avec le ligne tenu dans le Mouvement Municipal. C’est ainsi qu’une page de Recensement des ouvrages clés a été mise en place. Cette sélection pointue d’ouvrages incontournables constitue une première étape vers la constitution de la future bibliothèque numérique. Il s’agit là d’une ressource précieuse pour tous ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances et s’engager dans des actions citoyennes à l’échelle locale et en accord avec ce que nous prônons.

En parallèle, conscient de l’importance de fournir régulièrement du contenu de qualité à notre communauté, nous publierons également des fiches de lecture sur des articles ou des ouvrages pertinents. Ces fiches, présentées sous forme d’articles web, offriront un aperçu détaillé du contenu de chaque ouvrage, permettant ainsi aux lecteurs de se familiariser avec les idées et les concepts abordés.

En conclusion, bien que la bibliothèque numérique du Mouvement Municipal soit encore en cours de construction, son impact potentiel est indéniable. En attendant son apparition, le recensement des ouvrages clés et les fiches de lecture constituent des ressources précieuses pour toutes les personnes désireuses de s’informer et de s’engager dans des actions militantes à nos côtés.

Manifestation du le 6 janvier 2024 à Paris pour la résistance des peuples du Kurdistan

Une manifestation européenne pour le Kurdistan libre !

Si nous devions faire un retour sur la manifestation du samedi 6 janvier 2024, qui se tenait à Paris – Gare du Nord, celui-ci serait bref et ne porterait que sur quelques mots « Femmes, Vie, Liberté, Justice, Solidarité internationale, Soutien » . Des mots simples, mais qui résument pleinement le climat pour lequel nous devons lutter aujourd’hui. Tant sur des droits fondamentaux que nous n’avons pas encore acquis et pour lesquels nous ne cessons de nous battre, que de preuves d’une fraternité à tous égards entre les peuples opprimés ; des milliers de personnes s’étaient rassemblées dans les rues de Paris. Revenons donc ensemble sur cette manifestation européenne en soutien à la résistance des peuples du Kurdistan.

Ce grand rassemblement s’est tenu alors qu’approche la date du triste anniversaire de l’assassinat de 3 militantes kurdes à Paris en 2013, et dont l’affaire n’a jamais abouti, ainsi que du souvenir de la fusillade du 23 décembre 2022 également à Paris, qui amena à la mort d’une femme et de deux hommes Kurdes, dont une responsable internationale du mouvement kurde, par un individu proche des milieux de l’extrême-droite.

Ce regroupement a aussi été l’occasion de manifester un grand soutien envers le territoire libre du Rojava qui subit depuis quelques mois un bombardement de la part des forces armées turques. Le président turc, réélu il y a peu, Erdogan n’a jamais caché ses intentions vis-à-vis du peuple kurde et le fait qu’il veuille mettre hors d’état de nuire toute volonté d’émancipation de leurs parts.

Une pensée pour les habitants de Gaza, au vu des événements, a été de mise. Un rappel que bien des conflits se passent sous le silence des médias qui nous gouvernent – aucun grand média n’ayant abordé le sujet du Rojava comme bien d’autres, ce qui cependant a pu être le cas pour le conflit israélo-palestinien.

Une diaspora fondée sur la multiplicité à l’honneur

« International » étant de mise, de nombreux slogans ont été entendus dans une grande diversité de langues, principalement européennes, mais pas que ! Nous avons entendu :

  • du Français ;
  • de l’Allemand ;
  • du Kurde ;
  • du Turque ;
  • de l’Espagnol ;
  • et même des langues régionales si chères à nos cœurs comme le Breton.

En effet, outre la diaspora kurde, de nombreux camarades venus d’Allemagne étaient présents, ainsi que d’autres mouvements proches du municipalisme comme l’Offensive ou la branche francilienne de PEPS.

Les femmes ont également pu se retrouver au premier plan, nous rappelant qu’AUCUNE lutte ne pourra aboutir sans ELLES !

La manifestation qui a suivi le rassemblement devant la Gare du Nord s’est déroulée dans une ambiance très conviviale jusqu’à la place de la République.

Qu’en retenir ?

Ce rassemblement est l’occasion de se rendre compte que plus que jamais il nous faut nous émanciper du spectacle braquant ses projecteurs sur les faits non-essentiels tandis que ce qui devrait l’être sombre dans le plus complet des silences.

Plus que jamais la venue au monde d’un monde anti-autoritaire passera par la solidarité internationale. Et plus que jamais les luttes pour faire advenir ce monde devront se faire en lien avec la cause féministe ! Plus que jamais il nous faudra mener ces luttes et ne jamais rien lâcher.

Jin, Jiyan, Azadî – Femmes, Vie, Liberté